L'Effet Gulliver : quand les institutions se figent dans un monde tourbillonnaire

L'Entreprise La France en panne d'imagination

Mordant, instructif mais touffu. Nous sommes tous des Gulliver! Propulsés chaque jour un peu plus vite dans un monde tourbillonnaire que nous ne comprenons plus, nous nous raccrochons désespérement à des certitudes et pratiques dépassées. Et, comme le héros du roman de Swift, nous subissons les pires déconvenues. Car le monde n'en finit pas de changer: des idéologies composites ont remplacé les doctrines tranchées d'autrefois, nos références géographiques se superposent (citoyen du monde ou de son village?), l'Etat centralisé est contraint de décentraliser, le droit au travail n'existe plus, la technologie que nous croyions dominer nous bouscule.

Volens nolens, l'entreprise aussi se transforme: elle se fait virtuelle à force de globalisation, de coopération, de restructuration en réseau... Mais incapables de remettre en cause nos conceptions politiques, économiques, sociales et nos habitudes de vie, nous continuons à livrer bataille avec des armes obsolètes. L'auteur passe ainsi au crible tous nos immobilismes, d'un Etat obèse et coûteux aux rigidités de notre système de protection, en passant la défense bornée de nos zaquis.

Ses critiques n'épargnent pas l'entreprise, qui succombe à un panic management dont les effets pervers à long terme sont largement prévisibles. Nous creusons notre tombe, pense Hervé Sérieyx. Déjà le chômage, l'exclusion, la désespérance (sub)urbaine... ne sont que le produit de notre décalage avec la réalité. C'est l'immobilité immobilisante: moins on bouge, moins on est mobile, moins on change, moins on peut changer. Terrible engrenage... La voie du salut? L'imagination. L'auteur nous livre les solutions de demain dans une troisième partie (la plus) riche d'enseignements. Place à l'organisation citoyenne, qui travaille à se fortifier, en solidarité avec son environnement dont dépend in fine son propre devenir.

Hervé Sérieyx gage que les micro-initiatives des collectivités locales et des entreprises feront école, y compris dans l'Administration. Qu'on partage ou non son optimisme, il y a urgence. Au moins, il faut tenter... A commencer par la prose un peu ardue de notre gourou français, dont le dernier livre n'est pas forcément le plus lumineux! --Stéphène Jourdain--