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Extrait CONFUSION Au-dessus de la ville le ciel semblait plus rouge qu'à l'ordi­naire. La lueur des becs de gaz solitaires se heurtait au brouillard de novembre, teintait l'air humide et saturé et faisait paraître les nuages plus lourds et plus opaques. On ne voyait pour ainsi dire personne dans les rues. Au lointain, la voix douloureuse d'une trompette résonnait longuement. Des roulements de tambour fouettaient les façades des maisons comme d'une menace, s'engouffraient dans les cours obscures et faisaient trembler les fenêtres closes. Devant le commissariat de police central se tassait un groupe d'une vingtaine d'agents. Ils avaient des faces molles et comme spongieuses et leurs mains pendaient lourdes dans leurs gants blancs. À leurs ceinturons de cuir brun étaient accrochées les gaines triangulaires et pesantes de revolvers de gros calibre. Ils se tenaient debout, dans l'attente. Lorsque mes pas frappèrent le pavé, ils tournèrent la tête sans qu'un trait de leur visage, sans qu'un membre de leur corps bougeât. L'un d'eux avait le ruban de la Croix de fer à la boutonnière de son uniforme bleu ; il était de quelques pas en avant du groupe ramassé des autres et paraissait écouter avec beaucoup d'attention les sons de la trompette. «Ça commence » lui dis-je et ma parole était saccadée, ma voix enrouée. L'agent fixa sur moi des yeux ternes. Il restait là devant moi, immobile comme un bloc. Ses regards fatigués erraient sur les boutons brillants de mon uniforme, puis ses yeux se portèrent avec étonnement sur ma figure, il leva brusquement sa main énorme, la laissa retomber sur mon épaule et dit : «Allez-vous-en, allez chez vous enlever votre uniforme.» Pour moi qui étais habitué à obéir, ces mots résonnèrent comme un ordre ; effrayé je me mis au garde-à-vous, comme devant un officier et je prononçai : «Non, non...» - et après un moment de trouble indicible, je répétai : «Non...» et je partis. Je courus, les yeux perdus, trébuchant, par les rues mortes dont les maisons semblaient aveugles, à travers de vastes places au long desquelles ne se glissaient que des ombres solitaires, à travers les promenades publiques où les feuilles mortes crissaient sur le sol de sorte que le bruit de mes propres pas me faisait sursauter. Frissonnant je me retrouvai dans ma chambre tandis que le son angoissant et mystérieux des tambours retentissait à travers les rues. Le silence de ma chambre m'était une torture. J'avais assemblé sur la table les objets qui pouvaient m'être un soutien : le portrait de mon père en uniforme, photographié au début de la guerre, les images de parents, d'amis tombés au front, un sabre courbe de hussard, un casque français, un portefeuille de mon frère, troué d'une balle - déjà le sang en était noir et tout tacheté - les épaulettes de mon grand-père avec leurs lourdes franges d'argent, maintenant tout oxydées, un paquet de lettres du front dont le papier était moisi, mais tout cela je ne pouvais plus le voir. Non, il m'était insupportable de le voir. Tout cela avait perdu sa valeur, tout cela appartenait au temps des victoires, lorsque les drapeaux pendaient à toutes les fenêtres. Maintenant il n'y avait plus de victoires, maintenant les drapeaux avaient perdu leur radieuse signification, maintenant, à cette heure trouble où tout s'écroulait, la voie à laquelle j'avais été destiné était devenue impraticable, maintenant je me trouvais, sans pouvoir m'en saisir, en face de choses nouvelles, en face de choses qui accouraient de toutes parts, de choses sans forme, où ne vibrait aucun appel clair, aucune certitude qui pénétrât irrésistiblement le cerveau, sauf une pourtant, celle que ce monde où j'étais enraciné, que je n'avais eu ni à accepter ni à adopter, et dont j'étais une parcelle, allait s'effondrer définitivement, irrévocablement, et qu'il ne ressusciterait pas, qu'il ne renaîtrait jamais. --Ce texte fait r?f?rence ? une ?dition ?puis?e ou non disponible de ce titre.

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Extrait CONFUSION Au-dessus de la ville le ciel semblait plus rouge qu'à l'ordi­naire. La lueur des becs de gaz solitaires se heurtait au brouillard de novembre, teintait l'air humide et saturé et faisait paraître les nuages plus lourds et plus opaques. On ne voyait pour ainsi dire personne dans les rues. Au lointain, la voix douloureuse d'une trompette résonnait longuement. Des roulements de tambour fouettaient les façades des maisons comme d'une menace, s'engouffraient dans les cours obscures et faisaient trembler les fenêtres closes. Devant le commissariat de police central se tassait un groupe d'une vingtaine d'agents. Ils avaient des faces molles et comme spongieuses et leurs mains pendaient lourdes dans leurs gants blancs. À leurs ceinturons de cuir brun étaient accrochées les gaines triangulaires et pesantes de revolvers de gros calibre. Ils se tenaient debout, dans l'attente. Lorsque mes pas frappèrent le pavé, ils tournèrent la tête sans qu'un trait de leur visage, sans qu'un membre de leur corps bougeât. L'un d'eux avait le ruban de la Croix de fer à la boutonnière de son uniforme bleu ; il était de quelques pas en avant du groupe ramassé des autres et paraissait écouter avec beaucoup d'attention les sons de la trompette. «Ça commence » lui dis-je et ma parole était saccadée, ma voix enrouée. L'agent fixa sur moi des yeux ternes. Il restait là devant moi, immobile comme un bloc. Ses regards fatigués erraient sur les boutons brillants de mon uniforme, puis ses yeux se portèrent avec étonnement sur ma figure, il leva brusquement sa main énorme, la laissa retomber sur mon épaule et dit : «Allez-vous-en, allez chez vous enlever votre uniforme.» Pour moi qui étais habitué à obéir, ces mots résonnèrent comme un ordre ; effrayé je me mis au garde-à-vous, comme devant un officier et je prononçai : «Non, non...» - et après un moment de trouble indicible, je répétai : «Non...» et je partis. Je courus, les yeux perdus, trébuchant, par les rues mortes dont les maisons semblaient aveugles, à travers de vastes places au long desquelles ne se glissaient que des ombres solitaires, à travers les promenades publiques où les feuilles mortes crissaient sur le sol de sorte que le bruit de mes propres pas me faisait sursauter. Frissonnant je me retrouvai dans ma chambre tandis que le son angoissant et mystérieux des tambours retentissait à travers les rues. Le silence de ma chambre m'était une torture. J'avais assemblé sur la table les objets qui pouvaient m'être un soutien : le portrait de mon père en uniforme, photographié au début de la guerre, les images de parents, d'amis tombés au front, un sabre courbe de hussard, un casque français, un portefeuille de mon frère, troué d'une balle - déjà le sang en était noir et tout tacheté - les épaulettes de mon grand-père avec leurs lourdes franges d'argent, maintenant tout oxydées, un paquet de lettres du front dont le papier était moisi, mais tout cela je ne pouvais plus le voir. Non, il m'était insupportable de le voir. Tout cela avait perdu sa valeur, tout cela appartenait au temps des victoires, lorsque les drapeaux pendaient à toutes les fenêtres. Maintenant il n'y avait plus de victoires, maintenant les drapeaux avaient perdu leur radieuse signification, maintenant, à cette heure trouble où tout s'écroulait, la voie à laquelle j'avais été destiné était devenue impraticable, maintenant je me trouvais, sans pouvoir m'en saisir, en face de choses nouvelles, en face de choses qui accouraient de toutes parts, de choses sans forme, où ne vibrait aucun appel clair, aucune certitude qui pénétrât irrésistiblement le cerveau, sauf une pourtant, celle que ce monde où j'étais enraciné, que je n'avais eu ni à accepter ni à adopter, et dont j'étais une parcelle, allait s'effondrer définitivement, irrévocablement, et qu'il ne ressusciterait pas, qu'il ne renaîtrait jamais. --Ce texte fait r?f?rence ? une ?dition ?puis?e ou non disponible de ce titre.

Auteur(s)
Éditeur
10 x 18
Format
Poche
Date de parution
1986
Dimensions
10.8 x 17.7 x 1.8 cm
Poids
220
EAN
9782264007346

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