Par don

« Quoi qu'il me fasse, oh pourvu qu'il me fasse. Pourvu qu'il veuille encore de moi, me dégrader, me mordre à terre, m'estropier. Car ça m'est bien égal à moi ce que le monde en pense et qu'il me donne des coups de pieds dans le coeur, au-dehors et dedans, puisque je dois mon paradis gagner.

Égal qu'il rie de moi, sa si piteuse, et puis qu'il me regarde me traîner à genoux, me tordre, m'offrir, pleurer, vagir, me rabaisser dedans sa boue et me mordre les poings autant que de poings il y a.

Dans le silence, sans bruit, hurler comme muette qu'on égorge, vautrée ci-gît, si bas.

Tout ça m'est bien égal, pourvu qu'il se souvienne de moi.

Pourvu qu'à peine il me regarde, ou pas, même à la dérobée, ou même les yeux fermés, pour qu'il me semble être aussitôt, renaître aussitôt, lavée de toutes mes fautes, comme s'il se pouvait qu'enfin je sois, par ma souffrance prodigue et généreuse, légitimée.

Ce sont mes larmes qu'il aime, ma peur aussi, mes cris.

C'est parce qu'il m'aime comme ça, aussi mal, amoindrie, qu'il me tolère. C'est parce qu'il m'aime comme ça qu'il enfonce ses dents dans mon coeur qui se bat, se débat sous sa torture, chamade battant tambour, tour à tour mort, vivant, mort, vivant, pour voir jusqu'à quel point je peux encore souffrir. Tenir. Pour voir combien, avec l'envie, la tentation d'aller plus loin, jusqu'à ma fin, et au-delà. »