Sodome et Gomorrhe : de Marcel Proust

Publié en deux volets, aux printemps de 1921 et de 1922, Sodome et Gomorrhe est la dernière section d'A la recherche du temps perdu parue du vivant de Proust. Sa formation, longue et complexe, s'explique en outre par le fait que le volume occupe, à l'image du petit train de Balbec, la place d'un «nœud ferroviaire» au cœur du cycle romanesque : la découverte de l'inversion du baron de Charlus, expérience presque aussi forte que celle de la mémoire involontaire, donne un nouveau souffle au roman : finies à présent les préparations, le vrai roman peut commencer. De fait, ce volume, le plus balzacien de la Recherche, semble un moment nous faire perdre de vue le grand plan dogmatique de l'œuvre cathédrale et le cheminement de la vocation artistique du héros : l'intrigue romanesque, le comique, une certaine gratuité parfois paraissent l'emporter, et dès l'abord, l'énigme de ce héros et narrateur sans nom est singulièrement avivée. Mais à long terme, la traversée du «temps perdu» - du purgatoire de la mondanité à l'enfer des passions -, place le héros de cette nouvelle Divine comédie sur le chemin du «temps retrouvé», celui qui mène à la création artistique, mais de façon entièrement secrète. Sodome et Gomorrhe nous livre enfin un saisissant instantané du dernier Proust : ce nouveau personnage n'est plus celui qui, en 1908, jetait les fondations de son monument ; bien plus, ce volume nous laisse apercevoir les réorientations profondes qu'il était, au moment de sa mort, en train de mettre en place pour la fin de son œuvre.

Cette complexité est abordée en huit chapitres, qui prennent en compte soixante-dix ans de critique proustienne et les connaissances tout récemment apportées par la publication des brouillons de la Recherche et de cinq mille lettres.