« Je l'ai rencontré pour la première fois un soir d'automne de 1948 ou d'hiver de 1949, au sortir d'un meeting dont il avait été la vedette, au Quartier latin. Je collais des affiches gaullistes avec quelques camarades, étudiants comme moi. Malraux s'est approché de nous, et s'est amicalement affligé de notre inexpérience. Il s'est proposé de nous enseigner ce qu'il baptisait " la technique du coup de pinceau en croix ", technique en fait assez rudimentaire, mais qui, nous dit-il avec autorité, garantissait la rapidité d'application et l'adhérence du placard. " Il faut, soulignait-il, du professionnalisme, même dans l'affichage ", et il entreprit de prêcher d'exemple en brandissant le pinceau dangereusement. Il portait un très élégant manteau, qui contrastait avec la modestie de nos tenues. Craignant de le voir se couvrir de colle, je lui repris respectueusement le pinceau des mains, en balbutiant des remerciements. Il me demanda mon nom, qui parut le frapper, alors que mon homonyme de Saint-Céré n'avait pas encore accédé à la notoriété. Ce n'est que quelques décennies plus tard que je sus qu'il avait habité, lors de la Résistance, un château ainsi nommé. Il nous prodigua quelques encouragements virils et cordiaux, nous félicita de notre zèle pour la bonne cause, assura qu'il aurait plaisir à nous revoir et monta dans sa voiture, enveloppé de son beau manteau et de notre admiration. J'avais vingt ans. Il était pour nous l'image même du héros. »
Robert Poujade retrace un vibrant portrait de Malraux à travers l'aventure de son oeuvre sur le thème du « contemporain capital » et de l'éternel précurseur.
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« Je l'ai rencontré pour la première fois un soir d'automne de 1948 ou d'hiver de 1949, au sortir d'un meeting dont il avait été la vedette, au Quartier latin. Je collais des affiches gaullistes avec quelques camarades, étudiants comme moi. Malraux s'est approché de nous, et s'est amicalement affligé de notre inexpérience. Il s'est proposé de nous enseigner ce qu'il baptisait " la technique du coup de pinceau en croix ", technique en fait assez rudimentaire, mais qui, nous dit-il avec autorité, garantissait la rapidité d'application et l'adhérence du placard. " Il faut, soulignait-il, du professionnalisme, même dans l'affichage ", et il entreprit de prêcher d'exemple en brandissant le pinceau dangereusement. Il portait un très élégant manteau, qui contrastait avec la modestie de nos tenues. Craignant de le voir se couvrir de colle, je lui repris respectueusement le pinceau des mains, en balbutiant des remerciements. Il me demanda mon nom, qui parut le frapper, alors que mon homonyme de Saint-Céré n'avait pas encore accédé à la notoriété. Ce n'est que quelques décennies plus tard que je sus qu'il avait habité, lors de la Résistance, un château ainsi nommé. Il nous prodigua quelques encouragements virils et cordiaux, nous félicita de notre zèle pour la bonne cause, assura qu'il aurait plaisir à nous revoir et monta dans sa voiture, enveloppé de son beau manteau et de notre admiration. J'avais vingt ans. Il était pour nous l'image même du héros. »
Robert Poujade retrace un vibrant portrait de Malraux à travers l'aventure de son oeuvre sur le thème du « contemporain capital » et de l'éternel précurseur.
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