Ascètes et rois : un monastère de Kanphata Yogis au Népal

C'est au sud-est du Népal que se dressent les édifices du temple monastique de Caughera occupé par les Kanphata Yogis. Cette étude de la vie matérielle et spirituelle d'un monastère hindou nous fait découvrir une secte mal connue qui fut la principale interlocutrice des soufis. Ce faisant, elle intéressera aussi les indianistes et les islamologues.

C'est au sud-est du Népal, dans la vallée de Dang, non loin de la frontière indienne, que se dressent les édifices du temple monastique de Caughera. Des ascètes hindous dévots de Siva, les Kanphata Yogis - ou Yogis aux "oreilles fendues" porteuses de lourds anneaux - y célèbrent le culte du saint fondateur Ratannath et de son guru Gorakhnath. Ce dernier serait l'inventeur du Hatha Yoga, fondé sur les techniques de contrôle du souffle et s'inspirant de pratiques sexuelles ésotériques.

Véronique Bouillier, qui a effectué de nombreux séjours auprès des Yogis, nous dépeint la vie cérémonielle de Caughera, dont elle détaille les rites quotidiens et les célébrations annuelles, et qui s'enracine autour du culte d'un objet sacré et caché, un vase de liqueur d'immortalité donné selon la légende par Gorakhnath à son disciple.

A la description de la dimension spirituelle du monastère succède son étude en tant qu'institution religieuse temporelle, richement dotée par une monarchie que les Yogis ont contribué à légitimer. Les archives et les documents judiciaires dépouillés montrent que les relations entre le monastère et ses dépendants d'une part, et le monastère et le pouvoir royal d'autre part, ont été entachées de conflits, à l'instar de ce que l'on peut observer pour des institutions de même nature dans d'autres univers religieux.

Cette étude aussi vivante que complète de la vie spirituelle et matérielle d'un monastère hindou nous fait ainsi découvrir une secte mal connue, autrefois fort influente en Inde et au Népal, et qui fut la principale interlocutrice des soufis, le saint fondateur Ratannath jouissant d'une grande notoriété dans la tradition musulmane. Ce faisant, elle intéressera aussi les indianistes et les islamologues.