Dialectique négative : les vacances de la dialectique

Dialectique négative est l'oeuvre maîtresse de Theodor W. Adorno et l'un des grands textes philosophiques de notre temps.

On en comprendra peut-être mieux l'intention si l'on sait qu'Adorno était fasciné par l'idée de la bouteille à la mer : transmettre une vérité au monde sans la lui livrer, sans s'y donner complètement, sans se laisser prendre par le processus historique de récupération et d'assimilation. <<Ce qui a été pensé peut être réprimé, oublié, se perdre, écrivait ainsi Adorno. Mais on ne peut nier qu'il en reste quelque chose. Car le penser comporte un moment d'universalité. Ce qui a été pensé de façon pertinente doit nécessairement [...] être pensé par d'autres.>>

Si donc Dialectique négative ne livre ni soutien ni résultats enregistrables, elle a le mérite de contraindre les individus à l'insistance. Dans le développement du contenu, ce qu'il faut découvrir avant tout, c'est une attitude, un geste de pen sée formulé de façon abstraite : <<La dialectique est la conscience rigoureuse de la non-identité.>> Il s'ensuit le refus de l'intégration de l'individu à toutes les totalités donatrices de sens, et le sauvetage de la singularité dans ce qu'elle préserve d'irréductible.

Celui qui, aujourd'hui, lit Dialectique négative fait une expérience proche de celle des Athéniens que Socrate arrêtait, il y a un peu plus de 2000 ans, sur la place du marché, pour les arracher à leur affairement et les faire s'ouvrir à une interrogation abyssale.