Wagner & Liszt : d'après leur correspondance

« Ton amitié est pour moi une condition essentielle de la vie. Je m'y cramponne avec tout ce qu'il me reste de force. Quand donc te reverrai-je enfin ? As-tu une idée de ma situation, des miracles de fidélité et d'amour qui sont nécessaires pour que je reprenne toujours patience et courage ? Quand donc nous reverrons-nous ?

(...)

Si je pouvais te décrire mon amour pour toi ! Il n'y a pas de torture, mais aussi pas de délice qui ne vibre dans cet amour ! Tantôt je suis tourmenté par la jalousie, par la peur de ce qui m'est étranger dans ta nature ; j'éprouve des angoisses, des inquiétudes, du doute même, - tantôt la flamme s'allume en moi comme l'incendie dans la forêt, tellement qu'un torrent de larmes délicieuses est seul capable d'éteindre ce feu. Tu es un miracle, et notre amour aussi est un miracle ! Si nous ne nous aimions pas ainsi, nous n'aurions pu que nous haïr effroyablement. Grâce à toi, je ne connais pas de plus grande volupté que celle d'être artiste et de créer. C'est indescriptible quel effet tu produis sur moi. Autour de moi je ne vois que l'exubérance du printemps, la vie qui germe et pousse ; j'éprouve une douleur voluptueuse, une volupté douloureusement enivrante, une telle joie d'être homme et d'avoir un coeur qui palpite, - quand même il ne ressentirait que des souffrances, - que je me plains seulement de devoir t'écrire tout cela. »