Nuit gravement au tabac

«La cigarette est une drogue dure et ses fabricants sont le prototype de la grande délinquance en col blanc du monde moderne». Ainsi s'exprime Maître Caballero qui sait de quoi il parle. Il a approché la bête de près. Une bête dangereuse (60 000 morts en France, 300 000 en Europe, 3 millions dans le monde), qui fait plus de victimes dans notre pays que tous les autres risques sociaux réunis (alcool, drogues, accidents, meurtres, Sida, amiante, vache folle, etc...). Une bête puissante, capable de défier les Etats, de ridiculiser leurs lois, d'acheter leurs dirigeants, de manipuler les opinions publiques, de mentir effrontément sur les dangers du tabac, et finalement de vendre à des enfants un produit cancérigène qui rend dépendant dans des paquets fun.

Elle est aussi capable de dresser un véritable mur d'argent procédural devant tous ceux qui osent lui demander des comptes. En dix ans d'une lutte acharnée contre les fabricants, les aventures et mésaventures de Francis Caballero devant la justice sont parfois difficiles à croire, depuis son renvoi devant un tribunal correctionnel pour violation du secret de l'instruction jusqu'à une erreur judiciaire de la Cour de Cassation menaçant de ruiner le Comité national contre le tabagisme. Plus difficiles à admettre encore, les faveurs consenties aux cigarettiers par les ministres de la Santé, Bernard Kouchner en tête, sans parler du complot ourdi par le représentant de l'industrie du tabac et certains journalistes pour discréditer un avocat gênant. La réalité de la lutte contre le tabagisme dépasse ici la fiction.

Il faut dire que le combat a un enjeu de santé publique majeur : le paquet de cigarettes de l'avenir. Car l'objet le plus vendu de la planète ressemble à une voiture des années 60, sans ceinture de sécurité, ni air bag, ni ABS, ni aucun dispositif pour protéger la vie de ses usagers. Pour un produit aussi dangereux, c'est inadmissible. Les futurs paquets devront donner aux fumeurs dépendants les moyens de s'arrêter quand il est encore temps : aide à la désintoxication, tests de dépistage réguliers, patchs ou médicaments gratuits, conseils d'utilisation, etc... Des mesures élémentaires de protection des usagers à imposer d'urgence à des industriels irresponsables, en les condamnant enfin «gravement».