Les yeux clos

La lumière qui sourd du visage ne se distingue pas de l'ombre omniprésente, omnirégnante, dont le visage émerge. Elle en est plutôt l'accomplissement. Elle porte à leur point de rayonnement les plus profondes puissances de ténèbres qui se sont, au commencement, unies à elles-mêmes pour engendrer cette forme par dessus toutes les formes, la femme ramenée à son seul visage - face lumineuse de l'être de par son obscurité même, face expressive de par le seul silence de ses lèvres inertes, face révélatrice de secrets inépuisables de par son regard tout entier tourné vers le dedans. On croirait que la lumière, offerte ici comme un don, est, en réalité, ce que le regard contemple lorsqu'il cesse de voir le monde pour s'adonner uniquement à sa propre intériorité. Absent aux choses, étranger à la race des objets, évadé de son destin sensible, le regard des Yeux clos s'ouvre démesurément au-dedans de lui-même et rejoint, en cette immobile et indicible aventure, la frange de lumière en quoi, mystérieusement, l'ombre vient s'inverser.