Ombres et lumières sur la montagne

Antoine Berthon, n'ayant pour toute fortune guère que sa chemise et ses deux bras, croit avoir réalisé une excellente opération en se mariant avec Louise, unique héritière d'un superbe domaine dans la commune d'Anzat-le-Luguet. Pensez donc : plus de cent hectares de pâturages ! Bien sûr, sa jeune épouse est laide comme trente-six poux, tout en possédant, en sus, une âme dominatrice, assortie d'un caractère de cochon.

Quelle importance, pense notre homme, la beauté d'une femme n'est que passagère ; quant à son humeur acariâtre, un beau garçon, tel que moi, ne peut qu'en venir à bout aisément.

Hélas, il s'est montré par trop optimiste. Il se heurte à plus fort que lui, se retrouvant, non pas patron, craint et respecté, mais simple commis condamné à turbiner à perpétuité, véritable bagnard rural.

Sa fille, Huguette, aussi belle que sa mère est disgraciée, ramène un gendre à la maison. Malheureusement, celui-ci, étalon lamentable et piètre travailleur, ne fait vraiment pas l'affaire. Un divorce rapide renvoie ce pauvre type chez ses parents. Le suivant, lui, est d'une toute autre trempe. Voilà un homme, et un vrai ! Ne doutant de rien, il entreprend une tâche difficile : dompter sa redoutable belle-mère, lui enlever les rênes du pouvoir. Dur combat à l'issue incertaine.

Et tout ceci se passe dans les immensités du Cézallier, pays sauvage et mystérieux : en été, royaume de l'herbe et des vaches rouges aux grandes cornes ; en hiver, royaume du froid et de la neige bousculée par l'« écir », par cet effrayant vent du nord-ouest, tourbillonnant, maelström jetant sur la montagne un voile, glacé, blanc et opaque, aveuglant bêtes et gens ; piège infernal que seuls les forts osent affronter. Les faibles n'en sortiraient pas vivants.